Mon mémoire

Ce mémoire a été écrit à la fin de mes 2 années de formations à la pratique de l’ACP-Focusing à l’IFEF (Institut de focusing d’Europe francophone).

J’en publie ici un extrait. Je ne le publie pas pour que cela constitue un modèle de cheminement dans les 3 attitudes fondamentales facilitatrices de croissance. A chacun de trouver sa forme.

Je le publie comme un possible, dans une formation de ce type, de tenter de soutenir l’expression du soi, ce soi trop souvent nié et réprimé.
Je tiens à dire que j’ai éprouvé de la peur à l’écrire sous cette forme. Cependant, ce mémoire a reçu les approbations de mes formateurs.

S’ajuster

Que je puisse, jusqu’à mon dernier souffle, m’ajuster à
la réalité, à l’autre et à moi-même:  tel est mon vœu.
Mai VO THI PHUONG

« Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends. »
Nelson Mandela

Pour obtenir la certification de praticienne 2ème année, j’ai à rédiger un mémoire de synthèse sur mes deux années de formation en ACP/Focusing.

Tout d’abord, j’ai commencé par avoir une représentation très scolaire de ce travail (du genre lecture de différents ouvrages puis rédaction pour illustrer ma compréhension des concepts). Je me sentais bien bloquée et non motivée, tellement bloquée que j’étais comme coupée de mes ressources de créativité, de vision large et souple, et d’ajustement. J’étais bel et bien bloquée dans la représentation scolaire du travail demandé.

Bien que je comprenne parfaitement et de façon intellectuelle l’utilité de ce type de travail, une part de moi que je nommerai la part étudiante et qui n’a pas vraiment été entendue dans son refus vivait cette réaction sur un fond de culpabilité et d’inquiétude. Je n’arrivais pas à entrer dans cette proposition et j’étais en difficulté d’y trouver du sens.

Accepter de me rencontrer et me comprendre

Je décide de prendre le taureau par les cornes et tout en le rédigeant, je mets en œuvre ce que j’ai appris pendant ces 2 années à l’IFEF pour m’aider à avancer.

Que peut m’apprendre de moi cette situation qui me pose problème, de façon plus globale, plus inédite, au-delà des premières pensées bien connues d’une étudiante toujours un peu rebelle ?

De quelle manière puis-je regarder ma difficulté: comme une épine dans le pied à enlever vite ou comme une opportunité pour soutenir ce mouvement d’actualisation de moi, mouvement sourd et continu, mouvement de vie obstiné et tenace, mouvement qui me met souvent dans du chaos et de l’inconfort mais qui me mène toujours vers plus vaste?

De m’approcher très près de moi-même me permet de comprendre ceci: le sens dont je parle est le sens ultime pour moi. Cela touche le sens de « Pour quoi je suis venue au monde? »

Si lire pour comprendre les concepts a bien du sens pour moi, passer du temps pour justifier auprès de quelqu’un cette compréhension n’en a plus.

De même, si me former pour devenir compétente en quelque chose a du sens, passer du temps pour obtenir une certification n’en a plus.

C’est clair: il n’y a pas d’élan en moi pour écrire un mémoire dans le but d’ obtenir une certification.

M’allier à ma part de praticienne ACP

Est-ce que je peux m’aider à accueillir mon refus et ma réticence, sans les juger ni en avoir peur?

Est-ce que je peux continuer à m’en approcher très près pour les comprendre et pour découvrir encore plus mon cadre de référence interne?

Est-ce que je peux continuer à mettre de côté mes conditionnements et mes croyances, issus de mon éducation et de ma culture, pour me rencontrer telle que je suis?

Est-ce que je peux me soutenir dans ma tentative de grandir ma congruence en présentant mon mémoire sous cette forme et donc me présenter aux formateurs et à l’école telle que je suis?

Est-ce que je peux faire confiance à cette part de moi qui me guide toujours vers quelque chose de cohérent et qui me pousse à agir dans le sens du déploiement?

Les tensions tombent. Il me semble que ces différentes parts de moi sont enfin d’accord et trouvent du sens à ce que je suis entrain de faire.

La peur reste. Il n’est pas dit qu’ accomplir ce qui semble juste et bon pour soi se fait sans peur.

Agir selon ce que j’ai compris et soutenir mon développement

Cela a du sens pour moi de rédiger ce mémoire sous cette forme-là car elle me met au défi de dépasser une force d’inertie et d’habitude et elle soutient mon développement. Je m’autorise d’une manière plus ajustée à exister telle que je suis à mes propres yeux et aux yeux de ceux qui sont importants pour moi. Je sens émerger en moi l’énergie qui n’est plus bloquée dans le refus et le malaise.

Cela me renvoie aux séances avec mes clients qui se finissent par cette question:

– «  Qu’est-ce qui a été parlant pour vous dans la séance et que vous pouvez utiliser pour avancer? »

Après que le client l’ait formulé, la question suivante:

– «  Vous pouvez regarder si c’est complètement OK pour vous? »

Je suis complètement OK avec mon choix.

Dans cet ajustement, je peux illustrer auprès des formateurs (car je le désire aussi) la compréhension des concepts, ma démarche de les intégrer, et donc ma capacité à être acceptante, empathique et congruente auprès de mes clients.

Là où je suis arrivée

Je suis  arrivée à L’IFEF avec la ferme intention d’apprendre le focusing. Je n’avais même pas vu que l’IFEF c’est l’ACP-Focusing et je constate aujourd’hui que si j’ai très vite appris le focusing dans sa structure et que je l’ai très vite utilisée, quelque chose en moi est entré en résonance très fort avec les fondements de l’ACP.

Quand je me pose la question sur ce qui résonne si fort en moi, la même réponse  revient toujours et seulement cette réponse: il me semble porter en moi, depuis toujours, le désir de rentrer en relation avec chacun, de cette manière: faire confiance au processus de la personne, accepter de ne rien savoir pour elle, et de comprendre que la seule responsabilité qui m’incombe dans la relation est de toujours tenter de la comprendre, de l’accepter telle qu’elle est et d’être moi-même.

J’ai tenté de vivre avec mes enfants de cette manière et j’ai vu combien notre relation a été authentique et vivante, c’est à dire heureuse parfois et aussi douloureuse à d’autres moments, et combien chacun (moi y compris) a grandi à sa manière dans cette possibilité de tenter d’être juste soi et rien d’autre.

J’ai « erré » longtemps professionnellement, en sentant toujours qu’il manque l’essentiel dans ma pratique professionnelle. Quand j’ai rencontré l’ACP à l’IFEF, j’ai pu enfin me dire : « je suis rentrée à la maison. »

Ces 2 années ont permis que ce qui était en moi à l’état d’implicite devienne conscient et utilisable. Si j’utilise les concepts de Maslow, je dirai que ce qui a été potentiel est devenu capacité. J’espère que cette capacité deviendra compétence un jour.

J’ai aussi compris que nous sommes loin de ce rêve d’une relation où tout va bien, où il n’y a pas de conflits car on est dans l’empathie ou dans la bienveillance. Je touche du doigt l’exigence de ces attitudes où les notions de prise de risque (être soi-même) et de l’effacement de soi et de son cadre de référence sont centrales. Je vois aussi combien ces attitudes dépendent étroitement de la personne que je suis dans mes fondements et dans ma profondeur.

J’en suis heureuse car tout cela correspond à ce que je désire accomplir en venant au monde.

Ce qui a été facilitant

Tout ce qui vous arrive vous arrive comme un défi et une opportunité.
Swami Prajnanpad

Si je porte en moi, comme je le disais, depuis toujours le désir d’entrer en relation avec chacun de cette manière décrite par Rogers, je suis bien encombrée sur le plan professionnel par ce que je nomme « un réflexe de sauveur ». C’est bien tentant, tous ces gens qui m’apportent des problèmes pour que je les sauve, avec mes propres solutions. C’est vrai que je ne reste jamais les deux pieds dans le même sabot. A chaque problème, je lui trouve une solution. Je vois bien qu’en thérapie, ça ne marche pas comme ça. La personne a beau te demander comment faire. Quand tu lui donnes une solution, elle a toujours une objection à faire, comme si elle attend autre chose de toi.

S’ajuster pendant un entretien

J’ai souvent entendu et lu que l’erreur est source d’apprentissage. Pour moi, elle a toujours été occasion d’ajustement quand j’ai la chance de m’en apercevoir.

Je me souviens de l’accompagnement d’une adolescente de 15 ans. Elle était en 2nde et elle venait me consulter car elle pleurait à chaque contrôle. Elle avait peur d’avoir des mauvaises notes et elle me disait avoir tout le temps mal au ventre. Elle passait beaucoup de temps à réviser (« imprimer ses cours » selon ses termes).

Au cours de l’entretien, elle en venait à parler de sa mère qui, dans le passé, voulait qu’elle réussissait, lui payait des cours de soutien et la suivait dans sa scolarité. Je ne sais plus comment cela se passait exactement mais je me souviens encore de ce moment où son projet (qu ‘elle n’a pas encore réussi à préciser si ce n’est d’aller mieux; ce qui va de soi mais trop vague pour que nous puissions travailler) est devenu le mien, celui de lui démontrer qu’elle n’a pas à s’approprier le désir de sa mère, et comment le faire, etc….. Je la sentais qui se fermait de plus en plus et je me consultais pour m’apercevoir que l’empathie m’a largement quittée et a fait place au désir de la convaincre. Je m’étais ajustée immédiatement et me suis rebranchée sur le désir de la comprendre dans son vécu et ce que cela signifiait pour elle. Je la sentais se rouvrir de nouveau et nous étions arrivées à un endroit où les choses devenaient plus précises et travaillables. Elle disait vouloir s’amuser, tomber amoureuse, redevenir gaie comme avant. Elle disait aussi qu’elle était prête, étant donné là où elle se trouvait, à baisser ses exigences concernant ses notes et qu’elle était OK pour que la part qui voulait réussir et qui travaillait existait moins, c’est-à-dire à 60%, ce qui laissait 40% à la part qui savait s’amuser. Cela a constitué notre objectif de travail.

S’ajuster dans ma posture d’écoutante

Qu’est-ce qui m’a permis d’avoir ce réflexe de faire ce retour en moi en constatant sa fermeture?

Je me souviens de ce module sur la configuration spatiale où j’ai pu voir une formatrice travailler en tant que thérapeute. J’ai été frappée de voir sa fluidité, son aisance et son efficacité. Je me souviens être intervenue souvent pour savoir comment elle faisait à l’intérieur d’elle. J’ai gardé 2 réponses qui m’ont servie de point de repère pour ma posture de praticienne: l’importance de se placer intérieurement à l’endroit adéquat (j’ai compris en plaçant ma conscience dans le corps et non dans les pensées) et l’aide d’une attitude de lâcher-prise (Bernadette a nommé le fait d’être comme si on est entrain de prier dans des moments de blocage). Le fait de vouloir convaincre ma cliente m’a fermé à elle en tant que personne et m’a fait monter dans le mental. De me recentrer sur ma présence à elle a restauré une atmosphère d’ouverture et l’a aidée à se rouvrir.

Heureusement, cela n’a pas été ma seule erreur. Aussi j’ai eu beaucoup d’occasions pour m’ajuster et progresser.

Quel est mon prochain pas?

Si je sens bien que le focusing, d’un côté, et l’ACP, de l’autre, me sont devenus familiers, je sens bien que l’ACP-Focusing, comme étant la somme des deux, plus puissante que les deux réunis, m’est encore étranger. Etranger dans le sens non intégré et que des implications essentielles m’échappent encore.

Je vois bien le résultat quand je propose à la personne, systématiquement maintenant, de travailler à un niveau expérientiel. Beaucoup de mes clients voient leurs situations problématiques se dénouer. Ils disent se sentir rapidement mieux aussi. Alors, en artisan appliqué, je le fais mais il me manque cette intuition de sens (dans le sens utilisé par Antoine de la Garanderie- Gestion Mentale) qui fait que cela prenne sens vraiment pour moi.

« C’est en forgeant que l’on devient forgeron. »

Ou pour reprendre une expression d’Arnaud Desjardins, c’est en forgeant que j’ai l’être d’un forgeron. Je comprends qu’en forgeant, tout en moi s’ajuste et s’ordonne, et je ne suis plus rien d’autre qu’un forgeron, totalement présente à ma tâche.

C’est en pratiquant l’ACP-Focusing que je deviendrai praticienne en ACP-Focusing, que tout en moi s’ajustera pour cette place.

C’est cela mon prochain pas.

Bibliographie

Le développement de la personne- Carl Rogers
L’approche centrée sur la personne – Carl Rogers
Trouver les bonnes solutions par le focusing- Bernadette Lamboy
Devenir qui je suis. Une autre approche de la personne- Bernadette Lamboy
Focusing au centre de soi- Eugène Gendlin
Liberté pour apprendre- Carl Rogers
Etre humain. La nature humaine et sa plénitude- Abraham Maslow
Devenir le meilleur de soi-même- Abraham Maslow
L’intuition- Antoine de la Garanderie
L’audace de vivre- Arnaud Desjardins