Et les enfants?
Cette question m’a été posée lors d’une conférence où nous évoquions les souffrances des parents englués dans leurs différences inévitables et les conflits qui découlent.
Faut-il se séparer pour protéger les enfants d’une ambiance conflictuelle, peut-être chargée de violence, exprimée ou non?
Faut-il rester pour maintenir l’unité familiale, dans l’espoir d’une amélioration?
Une vision plus vaste
Peu importe la décision parentale: rester ou se séparer. Ce qui est important c’est la posture intérieure et l’intention.
Pour quoi se séparer?
Est-ce parce que je ne veux pas de conflits dans mon existence? Est-ce parce que je suis convaincu(e) que l’autre doit changer?
Est-ce parce que je vois clairement que , là où j’en suis, c’est trop pour moi et que cela m’empêche d’évoluer vers plus d’élargissement?
Est-ce que je me sépare de l’autre parent avec la ferme intention que j’ai à évoluer intérieurement vers plus de paix et d’ouverture quelle que soit la personne en face de moi?
Pour quoi rester?
Est-ce parce que je n’arrive pas à assumer mon existence seul(e)?
Est-ce parce que je crois profondément que la séparation ne fait que retarder la remise en question radicale de mon système de croyances et de conditionnements?
A quoi ça sert?
Même s’il a souffert profondément pendant ces périodes de grande perturbation et parfois de violence, l’enfant peut retrouver confiance en la capacité de l’être humain à évoluer et , par conséquent, en la sienne, s’il voit ses parents ou l’un de ses parents changer.
En passant d’une période de crise à plus d’épanouissement, les parents transmettent le message d’un possible.
Changer, oui, mais comment?
A partir du moment où les disputes, parfois incessantes, ont marqué le psychisme de l’enfant et ont tracé des rails de croyances limitatives profondes, de petits changements ne suffisent plus pour que l’ex-enfant se mette en route afin de nourrir des besoins fondamentaux gravement en manque.
Pour éprouver de nouveau de la confiance en la bonté de l’existence et oser croire en un bonheur possible, il a besoin d’être convaincu par la cohérence et l’intégrité de la démarche du parent.
Seul un chemin profondément tracé dans un système cohérent permet une réelle transformation. Le parent arrive à un endroit où il prouve sa maturité affective et où ses actes correspondent à ses paroles. Ses incohérences entrent paradoxalement dans un système parfaitement cohérent.
Par exemple, le parent affirme que l’écoute est importante pour vivre en paix avec l’autre. Seule la maturité lui permet de laisser toute la place à l’écoute sans justification quand l’ex-enfant lui reproche les conflits et les violences dans le passé.
Seule cette cohérence permet à l’ex-enfant de reprendre confiance en son parent: confiance restée pendant longtemps fragile et qui est à regagner à chaque instant.
Cependant, n’étant pas parfait, parfois, le parent peut ne plus écouter et rentre dans la justification. Sa capacité à écouter ses endroits de non-écoute permet à l’enfant de percevoir l’intégrité de sa démarche.
Qu’apporte à l’ex-enfant cette traversée?
Il a beaucoup souffert et il s’agit de ne pas minimiser mais d’entendre l’intensité de la souffrance et tous les dommages qui en découlent, sans le victimiser.
S’il voit son parent devenir vraiment heureux ( mais vraiment déployé et heureux, et non dans un système de bricolage), il peut croire en la force et les ressources de l’être humain, et donc en les siennes.
S’il voit son parent passer de la haine et de la rancoeur à la compréhension et à l’acceptation inconditionnelle (du moins le tenter), il peut sortir de sa propre colère et chercher le chemin de l’amour. Il y aura des miracles alors.
Parce qu’il voit réellement des rescapés prendre leurs épreuves à bras-le-corps et reconstruire leur existence, il n’aura plus peur de la vie et il vivra la sienne pleinement.
Donnons-lui la force de l’exemple silencieux. Cela devient transmission. Nous transmettons un nom et un patrimoine. Transmettons aussi l’espérance..